Quand j’ai cherché des informations sur la course Morat-Fribourg, j’ai découvert l’existence d’un téléfilm de la RTS de 1980, Ce fleuve qui nous charrie avec dans le rôle principal Jean-Luc Bidault. Je n’ai pris le temps de le regarder qu’aujourd’hui, et j’y ai trouvé des choses intéressantes.
Entre coureurs, on peut se tutoyer. Un conseil, ne pars pas trop vite
Le film a en partie été tourné durant l’édition 1979, on peut aussi le considérer comme un reportage sur cette course, en plus d’être une œuvre de fiction.
Bande cons, espèces de cons, si vous croyez m’impressionner avec vos tours de terrain! Minables! Minables! Après quoi vous courez, hein? Après quoi vous courez? Après votre nombril? Vous fuyez einh là, vous fuyez! Bande de drogués! Toxicomanes! Toxicomanes!
La fiction, je n’en parlerai que peu. C’est l’histoire de la rédemption par la course d’un quadragénaire à la dérive, Simon. Il est aidé par son indéfectible ami d’enfance, Julien, et un ami de ce dernier, César, qui va jouer le rôle de vieux sage courant, de mentor. L’interprétation de Jean-Luc Bidault est remarquable, d’autant plus qu’une grande partie des scènes interprétées se font en courant.
– Regarde ça, c’est pas superbe.
– Superbe.
– Comme dit César chaque année, regarde ce fleuve qui nous charrie sans jamais nous mêler. Autant d’hommes, autant de sources.
– Autant de cimetières, ouais.
Le film a vieilli, les couleurs sont passées, la façon de filmer est datée mais ce film a encore beaucoup de charme. La scène de l’enterrement est une merveille de surréalisme.
Tu vois, la course, c’est pas tant, c’est pas tant la fraternité, c’est plutôt l’auberge espagnole, chacun y prend ce qu’il y apporte. C’est comme la vie finalement, chacun pour soi, chacun dans son jus.
J’ai pris du plaisir à le regarder en tant que coureur et aussi car j’ai participé à cette épreuve. J’ai reconnu Morat, sa gare, la montée de la Sonnaz, l’arrivée sur Fribourg. Simon habite à Martigny, il a donc fait le trajet en train entre Martigny et Morat, en passant par Lausanne. J’ai fait le même parcours, car à la suite d’une erreur de train, je suis allé me perdre, moi aussi, au fin fond du Valais.
– Et toi, pourquoi tu cours? Einh? Pourquoi tu cours, César?
– Pour pas finir au fond de mon assiette.
J’ai fait de l’archéologie en regardant ce film. J’ai découvert comment on courait en 1979. Le textile était en coton, les chaussures n’avaient aucun amorti, les coureurs se massaient à l’huile avant l’épreuve, et mettaient du talc dans leurs chaussures. Le chronométrage se faisait à l’aide de cartes perforées en plastic que les participants inséraient dans des lecteurs à l’arrivée. J’ai vu passer quelques t-shirts Spiridon qui était à l’époque une revue connue et reconnue dans le milieu (le nom a été repris à partir de 2020 pour vendre des vêtements de course branchouilles) . Simon fait allusion à Zátopek à un moment.
[César] J’aime pas ceux qui se vantent de courir, comme s’il s’agissait d’un exploit.
[Julien] C’est vrai, courir, c’est une simple question d’hygiène, personne se vante de se laver le matin.
[Simon, en montrant son verre de vin] Ouais, mais au moins ça, ça lave, même les souvenirs ça lave.
[Julien] Ouais, évidemment, il y en a qui courent pour oublier.
Le film parle assez justement de la course, des débuts, de ce qu’on peut y trouver, de la communauté des coureurs. J’ai retrouvé des tas de petits détails vrais: le stress avant la course (pipi!), le fait de se retourner pour regarder le ruban multicolore des coureurs, le fait de se parler, de corriger son attitude, quand ça devient dur…
Simon, et d’autres posent à plusieurs reprises la question « pourquoi tu cours? » Le film propose plusieurs réponses. Chacun trouvera la sienne.